L'usage des drones pour mesurer la chimie des panaches de navires

October 24, 2019  •  Laisser un commentaire

 

L'usage des drones pour mesurer la chimie des panaches de navires

Compte-rendu de la campagne à Marseille-Fos en septembre 2019

English version available  

 

 

Le projet européen SCIPPER* et ses objectifs


Le projet SCIPPER a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne*. Il rassemble 18 partenaires scientifiques de 9 pays.

 

SCIPPER sont les initiales de : 

Shipping Contributions to Inland Pollutions – Push for the Enforcement of Regulations

En français  : Contributions des navires à la pollution des villes - Faire pression pour l'application des règlementations 

 

Ce projet fait écho à la nouvelle réglementation de l'OMI (Organisation Maritime Internationale) qui entrera en vigueur le 1et janvier 2020 et qui abaissera le plafond autorisé de la teneur en soufre (SOx) dans les carburants de tous les navires marchands.

A compter de janvier 2020, ce plafond de teneur en soufre passera de 3,5% à 0,5%, soit une division par 7,  mais qui reste à relativiser en comparaison à ce qui est imposé aux voitures diesel : 0,001%

Concrètement, pour y parvenir, les armateurs devront passer du fioul lourd (moins cher) au fioul léger comme le gasoil, ou au GNL (gaz naturel liquéfié). Pour en savoir plus, lire à ce sujet cet article détaillé.

 

Scipper-Ocean of the SeasScipper-Ocean of the SeasPhotos lors de la campagne Projet SCIPPER C1 - MARSEILLE septembre 2019

Vue aérienne de la vedette prenant place derrière un bateau de croisière quittant Marseille - © Drone-Pictures
 

Ce contexte crée donc, pour les autorités, des exigences pour surveiller la conformité des navires à la réglementation sur la teneur en soufre, que ce soit dans les zones portuaires ou en haute-mer. C'est la raison d'être du projet SCIPPER qui mènent des campagnes de mesures des émissions des navires à l'aide de capteurs embarqués, de « renifleurs », de techniques optiques à distance, de systèmes aériens par drones, et même de systèmes par satellite.

Avec les données recueillies, les équipes scientifiques élaborent ainsi une modélisation de la dispersion et de la chimie des panaches de navires dans les villes. 

 

Les objectifs sont :

• Prouver la performance et la capacité des différentes techniques de surveillance des émissions du transport maritime. Application de la réglementation.

• Évaluer les impacts des émissions du transport maritime sur la qualité de l'air, selon différents scénarios d'application de la réglementation.

 

Pour y parvenir, le projet SCIPPER mène cinq campagnes en 2019 et 2020 :

C1 : Marseille (France) – sept. 2019 : Surveillance à distance des concentrations de soufre dans les panaches de navires avant le changement de réglementation (1/01/2020) et comparaisons des analyseurs de références avec les systèmes emportés par drones

C2 : Göteborg (Suède) à Kiel (Allemagne) – oct. 2019

C3 : Hambourg (printemps 2020)

C4 : Marseille (France) (été 2020) : Dispersion et transformation chimique du panache des navires après l'application des

normes mondiales sur le soufre, utilisation de renifleurs, de détecteurs capteurs embarqués par drones

C5 : Manche occidentale (Angleterre) : Utilisation de renifleurs, Drones et d'imagerie par satellite sur plusieurs passages de navires.

 

 

Comment la société Drone-Pictures s'est retrouvée impliquée dans cette campagne de mesures en rade de Marseille ?

 

A priori, nous n'étions pas pré-disposé pour cette mission scientifique et technique. 

Notre parcours est avant tout celui de cinéastes et photographes aériens amoureux du potentiel créatif qu'offrent les drones depuis bientôt une décennie.

Alors, quand l'un des partenaires du projet SCIPPER, la société Finlandaise AEROMON Oy inventeur et fabricant de modules de mesures embarqués par drone, nous a contacté – par le biais du réseau HOsiHO Drone Network - pour savoir si nous disposions de moyens pour porter dans les airs leur module d'analyse BH-12, nous étions surpris, un peu perdu, mais honorés, tout à la fois !

Mais avant même de savoir « Comment nous allions le faire », nous savions que vu les questions environnementales qui nous pré-occupent, nous « Voulions le faire ». Pour participer à une action à caractère écologique, même très modestement.

Module BH-12 AeromonModule BH-12 AeromonPhotos lors de la campagne Projet SCIPPER C1 - MARSEILLE septembre 2019

Le cahier des charges était « simple » : pouvoir faire voler en mer et dans l'enceinte du port autonome, ce dans le panache des navires, le module BH-12, grand comme une boîte à chaussure (180x200x180mm) et pesant 1,2 kilos, ce pendant 10 minutes minimum, même par vent de 30/40kmh, en suivant précisément des bateaux transitants par  Marseille et de Fos-sur-Mer.

Il ne restait plus qu'à trouver comment y arriver ! 

Nous avions 3 mois, ce qui fut confortable pour effectuer des recherches, des tests, des ajustements et prendre les décisions d'investissements.

Il nous fallait donc un drone capable de soulever cette masse et ce volume, disposant d'une autonomie confortable, et restant suffisamment léger pour être homologué pour des vols en zones urbaines ou peuplées (scénario Dgac S3), car nous avions à suivre les bateaux en mer mais aussi dans le port de la Joliette (ZAR617), qui est considéré justement comme zone urbaine par la Dgac et doit faire l'objet d'une déclaration en préfecture.

De surcroît, la machine devait être relativement compacte pour prendre le moins de place sur une embarcation légère type Vedette de 10/12m ou plus.

 

M200 au décollage du bateau-P1077503M200 au décollage du bateau-P1077503Photos lors de la campagne Projet SCIPPER C1 - MARSEILLE septembre 2019

 

Beaucoup de paramètres, auquel il faut ajouter une caméra embarquée, type fpv, permettant de déceler le cœur du panache de fumée et ainsi permettre au pilote de placer le drone exactement dans son sillage, ce qui permet alors au module BH-12 de prélever les gaz et particules grâce à sa tête déportée à l'avant du drone.

C'est ainsi que nous avons jeter notre dévolu sur le Matrice 200 de DJI, et plus spécifiquement sur la première version qui venait d'être arrêtée par le fabricant chinois.

En effet la V2 du M200 ne permet plus d'utiliser les batteries de nos Inspire 2, les TB-50, or c'était une condition rédhibitoire pour nous. 

Avec une certaine chance, aidé par notre fournisseur privilégié, la société Flying-Eye, nous avons pu mettre la main sur le dernier exemplaire en vente du M200 V1 ! Vous le voyez en vol sur cette photo, équipé des parachutes brevetés par Flying-Eye.

 

M200 en vol + BH12 et Têtes de prélèvement gaz et particules délocalisées -Drone-PicturesM200 en vol + BH12 et Têtes de prélèvement gaz et particules délocalisées -Drone-PicturesPhotos lors de la campagne Projet SCIPPER C1 - MARSEILLE septembre 2019

 

Son poids total en vol est ici de 5,8 kilos pour une autonomie de 11 minutes et une vitesse maximale atteinte de 60 km/h (nécessaire au suivi des navires prenant le large).

Nous voici donc paré pour ces quatres jours de mission plus qu'atypique !

 

Comme pour toute mise en œuvre de drone en France, de nombreuses autorisations furent nécessaires pour accomplir ces vols, à commencer par l'accord du port de Marseille et de Fos-sur-Mer, puis ensuite de chaque commandant de bateau, sujet à un vol de suivi par drone. La contrainte imposée par le port étant de ne pas approcher les navires à moins de 250 mètres, toujours à l'arrière et sans jamais les survoler.

Les démarches aéronautiques ont consisté à demander à l'aéroport de Marseille-Provence une autorisation spéciale de vol à une altitude de 100 mètres, au lieu des 50 mètres habituellement autorisés dans ce secteur. La base militaire d'Istres a aussi donné son aval pour que nous puissions opérer des vols drones dans le Golfe de Fos-sur-Mer, car la zone aéronautique est sous leur contrôle.


 

Déroulement et contraintes des vols en mer lors des mesures par drone de la qualité de l'air au sortir des cheminées des navires


 

L'utilisation de drones pour la campagne SCIPPER s'est très vite imposée en complément des moyens au sol fixés sur la vedette louée pour l'occasion.

Rappelons que  l'objectif principal de la campagne C1 à Marseille en septembre 2019 étant de mesurer la chimie des panaches de navires opérant dans les baies de Marseille et de Fos . Tous les navires de croisière, les ferries, les pétroliers, les cargos, les yachts sont concernés. Certains arrivant au port, d'autres le quittant. 

Ceux en partance, prenant de la vitesse très rapidement (20 nœuds), il fallait d'une part décoller très vite, et d'autre part pouvoir les suivre à cette vitesse pendant dix minutes pour permettre l'acquisition de datas probantes.

Ainsi, le déroulement de nos journées fut de d'abord se préoccuper du temps !

Car, une fois à bord, la principale difficulté d'une telle mission reste la météo et l'état de la mer car tout les décollages et atterrissages devaient se faire depuis un bateau à l'arrêt et stable.

 

M200-Boat-AtteroP1077672M200-Boat-AtteroP1077672Photos lors de la campagne Projet SCIPPER C1 - MARSEILLE septembre 2019

 

Décollage depuis le pont avant. Atterissage dans nos mains, ce qui oblige à la parfaite stabilité du bateau, donc à l'arrêt par mer clémente.

L'initialisation de l'IMU, la centrale inertielle du drone, fut une phase délicate car très sensible au tangage du bateau, qui dépend de l'état de la mer. 

Heureusement, le M200 nous a prouvé qu'il pouvait encaisser d'amples mouvements à l'initialisation, et qu'il pouvait se ré-initialiser sans être mis hors-tension, donc sans perte d'un temps précieux !

Enfin, nous avons établi, que le drone ne peut-être utilisé en toute sécurité en mer, par vent supérieur à 40 kms/heure. Ce qui fut le cas de la dernière demie-journée ou nous sommes restés cloués au sol.

La navigation, face à la petite houle est aussi un problème : les embruns ayant très vite fait d'entièrement tremper le pont avant où nous avions établi notre camp de base. Heureusement, d'une part le M200 est à la norme IP43 (résistant à l'eau dans une certaine mesure), idem pour les nouvelle batteries TB-50, mais nous avions prévu de bâches plastiques pour les moments de traversées entre le Frioul et Fos-sur-Mer, ainsi que des valises étanches. Ceci n'a pas empêcher l'ensemble de notre matériel d'avoir un goût très salé à l'issue de ces opérations !

On le voit, beaucoup de contraintes, mais au final un bilan assez positif pour les scientifiques qui ont pu comparer et confronter leurs résultats : ceux collectés par drone, avec un module Aeromon d'une valeur de moins de 20.000€, et ceux au sol avec une batterie de capteurs valant plus d'un million d'euros.

 

Aeromon, fut ravi de constater que les données analysées par son module BH-12 suite aux vols, étaient fiables car très proches, et même parfois identiques, à ceux des chercheurs suédois. 

Ainsi, au terme de ces premiers retours, Atmosud et Aeromon ont établis un tableau des principaux Avantages/Inconvénients en matière de mesure de la Qualité de l’Air (QA) avec le Module BH-12 embarqué sur drone :

 

Avantages Inconvénients

✓ Investigation 3D de la qualité de l’air

✓ Mesures au plus près des émissions :

• Panaches industriels,

• Trafic routier,

• Trafic maritime,

• Accident industriel,

• Feux,

• Agricultures,

• CET, etc …)

✓ Mesures mobiles

✓ Cartographies

✓ BH12 : multi-polluants

✓ BH12 : très léger

✓ Cloud service d'Aeromon

✓ Autorisations administratives

✓ Nécessité d’un pilotage professionnel

✓ Météorologie

✓ Conditions stables au décollage et atterrissage

✓ Calibrations obligatoires AVANT/APRES

✓ Calibrations et intercomparaisons avec analyseurs deréférences

✓ BH12 : vol dans les panaches pendant minimum 60 secondes

 

 


 

 

 

 

 

Capteurs BH12 pour Drones - AeromonCapteurs BH12 pour Drones - AeromonPhotos lors de la campagne Projet SCIPPER C1 - MARSEILLE septembre 2019 Caractéristiques des différents capteurs équipant le module BH-12 Aeromon

 

 

 

Y'aura-t-il une suite à cette campagne ?

Dès l'été 2020, les mêmes équipes se reformeront pour mesurer la dispersion et transformation chimique du panache des navires après l'application des normes mondiales sur le soufre.

Drone-Pictures sera là, plus que jamais !

 

Par delà cette expérience : le drone au service de l'environnement !

A travers cette belle expérience, on voit une fois de plus que ces machines volantes n'ont pas fini de trouver des applications autrefois improbables voir impossibles.

Nos sommes ravis de pouvoir mettre notre expertise en matière de pilotage de drone, de mise au point de solutions volantes pour des usages spécifiques et d'assumer la fiabilité du service proposé, tout en garantissant sa conformité avec la réglementation aérienne inhérente aux aéronefs télépilotés (UAV/UAS).

Après cette première expérience, Drone-Pictures souhaite s'impliquer dans les services aériens liés à l'environnement. 

Avec Atmosud, nous étudions les champs des possibles en matière de mesures de la qualité de l'air par drone en région Sud (ex Paca).

 

De nouvelles applications, de nouveaux besoins et de nouveaux moyens sont en train de naître de jour en jour. Nous les suivons de prés pour apporter le meilleur service aux organisations, aux scientifiques et aux entreprises ayant une démarche « éco-responsable ».

Car nous n'oublions pas que l'air que l'ont respire dans nos villes, parfois même en pleine mer ou nature, est de plus en plus pollué : même invisibles, ces particules nous tuent à feu doux. Plus question de l'ignorer quand on peut le mesurer, pour agir sur les décisions à prendre, anticiper les problèmes de santé publique, et ainsi peu à peu, améliorer notre qualité de vie.

 

Nous tenons à remercier chaleureusement l'ensemble des partenaires du projet SCIPPER pour leur confiance, leur éclairage et leur assistance tout au long des préparatifs et pendant les opérations en mer.

 

* Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne, au titre de la convention de subvention n ° 814893.

 

 

 

 

 

 


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